Carton rouge

Un récent arrêt de la Cour d’appel d’Angers, qui marque la fin d’un long bras de fer judiciaire entre le Football Club de Nantes et un joueur recruté à l’été 2007, offre l’occasion de rappeler que, sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié. (CA Angers, 18 oct. 2018, n°18/00390)

Ces principes s’imposent tout particulièrement en matière de rémunération, laquelle constitue un élément essentiel du contrat de travail. (Cass. soc. 30 mai 2000, n°97-45068 : Bull. civ. V n°206)

Or, l’article 761 de la Charte du football professionnel, laquelle a valeur de convention collective sectorielle, prévoit pourtant que :

« En cas de relégation en division inférieure, les clubs ont la faculté de diminuer collectivement la rémunération de leurs joueurs professionnels de 20 %. 

Au-delà de ce pourcentage, les clubs peuvent proposer individuellement à leurs joueurs, par écrit avant le 30 juin [une diminution supérieure à 20%]

L’absence de réponse écrite du joueur dans le délai indiqué vaut acceptation de la diminution proposée par le club. »

A la suite de sa relégation en Ligue 2, le Football Club de Nantes avait décidé, au mois de juin 2009, de faire application des dispositions de l’article 761 de la Charte du football professionnel, une baisse de rémunération de 40% était envisagée notamment à l’égard de l’un des joueurs, lequel n’apportera pas de réponse écrite à cette proposition.

Un an plus tard, en juin 2010, le joueur a saisi la Commission juridique de la Ligue de football professionnelle afin d’obtenir, notamment, le rétablissement de son salaire contractuel.

Un marathon judiciaire s’est alors engagé et un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 5 septembre 2014 a débouté le joueur de ses demandes au motif que « le club a la faculté de diminuer le salaire des joueurs, même sans leur accord, en cas de mesure collective ne dépassant pas 20 %, que la charte n’exige l’accord du salarié qu’en cas de mesure individuelle ou supérieure à 20 % ».

Le joueur a alors formé un pourvoi en cassation sur la demande en rappel de salaire au titre de sa dernière saison au club.

Par un arrêt du 14 septembre 2016, la Cour de cassation a jugé, en termes généraux et dénués ambiguïté que :

« Sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié. » (Cass. soc. 14 septembre 2016, n°15-21794 FS-PB)

La Cour de cassation a ainsi purement et simplement invalidé les dispositions de l’article 761 de la de la Charte du football professionnel et l’arrêt rendu sur renvoi, le 18 octobre 2018, par la Cour d’appel d’Angers, est un simple mise en application de cette décision.

Il s’agit en réalité d’une jurisprudence traditionnelle selon laquelle la convention collective ne peut pas modifier le contrat de travail (Cass. soc. 14 mai 1998, n°96-43797 ; Cass. soc. 25 février 2003, n°01-40588), seules les dispositions plus favorables d’un accord collectif pouvant se substituer à celui-ci (Cass. soc. 7 février 2006, n°04-43196).

Ainsi, toute modification du contrat de travail résultant de la mise en œuvre d’un accord collectif doit recueillir l’accord exprès du salarié (Cass. soc. 28 septembre 2010, n°08-43161).

En conséquence, en dépit de la formulation de l’article 761 de la Charte du football professionnel, les dirigeants de clubs relégués ne doivent en aucun cas se satisfaire d’une « absence de réponse écrite du joueur », laquelle ne saurait valoir « acceptation de la diminution proposée par le club ».

La prudence est donc de mise et, en l’absence de conclusion d’un avenant écrit portant sur la baisse de sa rémunération, une libération du joueur doit être envisagée.

Sources :

CA Angers, 18 oct. 2018, n°18/00390 (non publié au jour de la présente publication)

Cass. soc. 14 septembre 2016, n°15-21794 FS-PB

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